Sixième chronique des Necral : Netiara
Le tonnerre gronde... La pluie et le vent viennent frapper violemment cette petite maison du village elfique de Baralda.
A l'intérieur, le bruit de l'orage est couvert par des cris. Laïella est en train d'accoucher. L'accouchement est difficile...
L'enfant voit enfin le jour, mais Laïella sent que la fin est proche...
Elle prend sa petite fille dans ses bras...
***
Ma mère mourut peu après ma naissance et je ne garde aucun souvenir d'elle... Mais c'est elle qui choisit mon nom : Netiara.
Mon enfance fut paisible dans le petit village de Baralda...
Jusqu'au jour où, peu après mon dix-septième anniversaire, ce qui correspondrait au corps et à l'esprit d'un enfant humain de six ans, je découvris que je pouvais sentir certaines choses chez les autres...
Au début, seules les plus fortes émotions me parvenaient. Une peur intense, un désir caché, une haine contenue... Ces émotions presque invisibles aux êtres normaux étaient pour moi aussi visibles que le soleil dans le ciel ou les feuilles sur les arbres de la forêt...
Les autres commencèrent alors à se méfier de moi et de ce pouvoir inaccessible pour eux...
Au fil des années, ce pouvoir augmenta, si bien que je percevais, à l'âge de vingt-cinq ans, soit l'équivalent d'un humain de dix ans, toutes les pensées fortes qui occupaient les esprits des autres... J'étais devenue une paria... Personne ou presque n'osait m'approcher, de peur que je ne connaisse leurs pensées cachées...
Le jour de mon vingt-sixième anniversaire, mon père vint me chercher dans la petite maison qui avait été construite à mon intention à l'écart du village. Il me dit de le suivre dans la forêt. Il avait une surprise pour moi...
Je ressentais en lui un certain malaise, mais il avait toujours été celui qui parvenait le mieux à me cacher ses pensées...
Nous arrivâmes dans une clairière. Il s'arrêta et dégaina son épée. Ses pensées m'arrivaient clairement, maintenant qu'il ne faisait plus d'efforts pour les masquer...
Le conseil des anciens du village avait décidé mon exécution et mon père avait été choisit pour exécuter la sentence, pour son aptitude à me fermer son esprit...
Ma vie quasi-solitaire que j'avais mené ces dernières années avait aiguisé mes réflexes, si bien que je parvins à éviter sa première attaque et à dégainer mon petit couteau. Son deuxième coup faillit me décapiter, mais, avantagée par les pensées que je puisais dans son esprit, je réussis à me glisser sous la lame. Me faufilant entre ses jambes, je parvins à grimper sur son dos et à presser la lame de mon couteau contre sa gorge.
"Je t'en prie père, ne m'oblige pas à te tuer !", suppliais-je les larmes aux yeux.
Mon père lâcha son épée et me dit : "Tu as gagné... Mais tu dois disparaître... quitter le village et ne plus jamais y revenir..."
Je sautais de son dos et, après un dernier regard, je partis en direction de la forêt...
Mon pouvoir me sauva une fois encore... Alors que je marchais tristement vers les arbres, de grosses larmes cristallines roulant sur mes joues, je sentis ne menace affleurer dans l'esprit de mon père. Faisant volte face, je le vis encocher une flèche dans son arc. Sans réfléchir, je lançais mon couteau. Il atteignit mon père à la poitrine, alors qu'il décochait sa flèche. Je fus touchée au bras droit.
"F... fuis, ma fille... Fuis avant qu'ils n'arrivent...", dit mon père, agonisant.
"Pourquoi ne pas m'avoir laissée partir ?", lui demandais-je.
"Ils... ils l'auraient su... Je n'avais pas le choix...", acheva-t-il dans un dernier souffle.
Abandonnant le cadavre de mon père dans la clairière, j'arrachais la flèche de mon bras et, ma main gauche pressée sur ma blessure, je courus dans la forêt. Affolée, je ne pensais plus qu'à une seule chose : fuir ! Fuir ce village qui m'avait vue naître, vingt-six ans auparavant... Fuir ce village où j'avais passé toute ma vie... J'abandonnais tout derrière moi...
Après plusieurs heures de course effrénée dans les bois, j'arrivais à une petite caverne. Je m'y faufilais et m'assis tout au fond, dos à la paroi rocheuse... Mon bras me faisait souffrir... J'étais épuisée et j'avais perdu beaucoup de sang... Je sombrais rapidement dans l'inconscience...
A mon réveil, je n'étais plus seule dans la caverne. Une grande louve blanche léchait délicatement ma plaie. Sans ses soins, ma blessure se serait sûrement infectée...
Elle était accompagnée d'un jeune louveteau... Je ressentais chez elle une perte récente... Le reste de sa portée, ainsi que son compagnon avaient trouvé la mort dans l'effondrement de la caverne qui leur servait de refuge...
Elle s'occupa de moi durant les jours que durèrent ma convalescence, nettoyant régulièrement ma blessure et m'apportant de la nourriture...
Les années passèrent et ma louve finit par mourir... Puis son louveteau, quelques années après... Mais au fil des siècles, jamais je ne quittais leur descendance...
Je fais partie de la meute, mon pouvoir nous permettant de fuir à temps lorsque le danger se présentait...
Plus jamais je n'ai approché un elfe ou membre d'une autre race dite intelligente... Je n'en ai pas besoins, la compagnie des loups me suffit... Ils m'acceptent... Eux n'ont rien à cacher...
FIN